Vous jugerez…
Je vais en quitter des chaises, fauteuils et canapés. Je vais en quitter des soirées animées, feutrées, bien pensantes ou d’entre soi. Je vais en quitter des regards de mépris et des discours condescendants.
Et, plus difficilement, je vais en quitter des croyances et des espoirs. Je vais les quitter, je DOIS les quitter…
Féministe en colère oui, et alors, EVIDEMMENT en colère! Flambante de colère, de rage, d’envie de hurler et de vomir, d’attaquer pour me défendre, d’attaquer pour le plaisir puissant que procure la vengeance. Féministe en colère de l’aliénation dans laquelle ma génération, enfants des boomers soi-disant libérés, a été contrainte de vivre.
“Désormais les femmes sont libres” qu’on nous disait, alors fermez bien vos gueules. “Voyez vous êtes nos égales!” alors maintenant fermez bien vos gueules.
Je suis en rage oui, et je vous fais l’affront de ma colère, brute, violente, sans nuances. Et je vous fais l’affront de m’écouter ici même vous déverser mon feu.
Je ne me justifierai pas. J’ai passé toute ma vie jusque là à me justifier, expliquer que derrière l’agacement, la colère et la rage, derrière les viscères brûlantes il y a du fond, et il y a de l’amour, et de la pondération. Mais tout ça c’est dur à comprendre, et pour le comprendre il faut de la patience, et de l’envie. J’ai eu l’un et l’autre, un peu. Parfois.
Voyez, je pondère! Voyez je viens de laisser une porte de sortie! Que je suis une femme bien élevée, ruez-y vous, vous n’êtes pas les méchants, vous.
J’aurais pu parler encore longtemps mais allez savoir ma plume enflammée s’est mue dans le mutisme comme s’il n’y avait plus rien à gueuler, suinter ou expectorer car je vous ai dit que je ne m’expliquerai pas, que je n’argumenterai pas.
Alors je terminerai ainsi:
Aux femmes, d’ici même et d’ailleurs, je suis avec vous. A toutes celles qui se sont rangées du côté du pouvoir, à toutes celles qui se taisent, et celles qui ont abdiqué. A toutes celles qui en parlent et à toutes celles qui luttent contre l’oppression et surtout, surtout, pour investir, dans le présent et l’avenir, tous les champs des possibles.
A toutes les femmes je suis avec vous. Parce que nous avons été et sommes toutes victimes, souvent résilientes, et qu’il est temps d’être Résistantes.
Alors comme a écrit Virginie Despentes dans une tribune à Libé “Désormais on se lève et on se barre”.
Le monde d’hier peut être sourd à notre parole, il ne pourra plus nous humilier en notre présence. Nous serons parties.
Hommage à Adèle Haenel pour son courage, son exemple et le souffle et la fierté qu’elle nous a offert.
Audrey Chambon